Le « gel » des cultures OGM proposé par Borloo a été de courte durée. Difficile de bouder une production aussi lucrative. Outre le bobard sur les OGM-qui-vont-nourrir-la-planète, voilà l’argument tendance : ils sont écologiques car ils permettront de limiter l’utilisation des agrotoxiques. Malin !
DÈS 1998, MONSANTO, le chef de file du cartel des bio-cides [1] intégrés aux semences, faisait signer un contrat aux producteurs canadiens de colza transgénique. Un contrat qui est toujours d’actualité. Les deux premiers articles révèlent l’essentiel du projet du cartel (de Monsanto et de ses concurrents-alliés du cartel). « I. L’agriculteur doit utiliser les graines de colza Roundup Ready® pour un semis et un seul. Ce semis est destiné à la production de graines de colza vendues pour la consommation. L’agriculteur s’engage à ne pas conserver de grain produit à partir de semences de colza Roundup Ready® dans le but de le replanter, qu’il s’agisse de vente, de don, d’échange ou de toute forme de tnrasfert du grain récolté dans le but de le semer. L’agriculteur s’engage également à ne récolter aucune repousse spontanée de colza Roundup Ready®. »
Quatre fois la même interdiction ! En clair : si la production reste entre les mains de l’agriculteur, la reproduction doit devenir le monopole du semencier-sélectionneur. Quelle horreur que de laisser aux êtres vivants la capacité, et le plaisir, de se reproduire et de se multiplier gratuitement ! Le rêve du cartel : séparer ce que la vie confond, stériliser plantes et animaux. Le succès d’un projet politique aussi mortifère exige un formidable appareil de propagande pour l’occulter. C’est le cas. La stérilisation peut être biologique avec les prétendus « hybrides », technique reine et soigneusement mensogère de la sélection au XXe siècle [2] et, depuis 1998, avec les Terminators-semences transgéniques dont la descendance est carrément stérile. Elle peut être contractuelle comme avec Monsanto. Elle peut être réglementaire [3] comme la transposition dans l’indifférence générale en novembre 2004 de la directive européenne 98/44 brevetant le vivant, créant le monopole des marchands de mort sur la vie au nom du libéralisme !
À la fin des années 1970, après avoir étudié les propriétés herbicides du glyphosate, Monsanto brevette cette molécule sous le nom de Roundup. C’est un herbicide « total » : une fois à l’intérieur d’une plante, il la tue [4]. Le glyphosate est peu métabolisé (dégradé) par la plante, c’est-à-dire qu’il entre dans la chaîne alimentaire. Au cours des années 1990, anticipant la fin de son brevet et donc de ses profits colossaux, Monsanto se mobilise pour faire des plantes transgéniques tolérantes au Roundup. D’une pierre deux coups : d’une part, il s’agit de transformer cet herbicide total en herbicide « spécifique » utilisable sur toutes les plantes pourvu qu’elles soient tolérantes. D’autre part, cela permet de prolonger indéfiniment la durée du brevet puisque l’agriculteur s’engage par contrat à l’acheter sous la marque Roundup - trois à quatre fois plus cher que le produit générique. La seule limite de l’opération est la surface de notre planète. L’article deux du contrat est explicite : « II. L’agriculteur ne doit acheter et utiliser sur tous les semis de colza Roundup Ready® que les seuls herbicides de la marque Roundup® prévus pour cette utilisation. L’agriculteur doit acheter ensemble les herbicides de la marque Roundup® et le Contrat d’utilisation de technologie chez le détaillant de son choix. »
Deux tiers des cultures transgéniques sont tolérantes au Roundup. Mais la réussite est relative pour les plantes destinées aux élevages industriels (soja, maïs, colza) ainsi que pour le coton car ces cultures concernent quatre pays seulement : les États-Unis, le Canada, l’Argentine et le Brésil, qui représentent 90 % de cette production transgénique. L’échec est total, pour l’instant, pour les deux grandes céréales alimentaires que sont le blé et le riz car le public n’en veut pas. À juste titre ! D’autant que, comme vient de le montrer l’équipe de Gilles Eric Séralini à Caen, le Roundup que Monsanto vante comme « biodégradable » et inoffensif a des effets toxiques sur les gènes et la reproduction à des concentrations très inférieures à celles utilisées en agriculture.
Le dernier tiers est constitué de plantes transgéniques dites « Bt » qui secrètent une toxine insecticide apparentée à celle que secrète la bactérie du sol Bacillus thurigiensis. Le cartel qualifie ces plantes de « résistantes » à tel ou tel ravageur. Elles sont donc écologiques et peuvent être industrialisées sans étude toxicologique sérieuse [5]. Cette contrevérité permet d’ignorer les conséquences à long terme de la diffusion massive de ces toxines sur la flore de notre tube digestif, ainsi que sur la flore et la faune du sol. En réalité, il s’agit de plantes insecticides : chaque cellule de la plante produit une toxine qui est donc diffusée massivement.
Plus de 99 % des plantes transgéniques cultivées dans le monde relèvent de ces deux types. Le troisième objectif des fabricants de mort déguisés en industriels des « sciences de la vie » émerge ainsi du rideau de fumée de leur propagande : changer le statut des pesticides. De polluants à éliminer de la chaîne alimentaire et de l’environnement, ils deviennent un élément constitutif de cette même chaîne. En somme, si l’ancienne civilisation italienne a donné au monde ce plat sublime de simplicité et de saveur qu’est la pasta al pesto, la civilisation nécrotechnologique nous promet la pasta al pesticida ! Aux fourchettes, citoyens !
Jean-Pierre Berlan.
Article publié dans CQFD n° 49, octobre 2007.
le TCE, le TME, le réferendum et NOUS !!... ... ... ... ... ... et vous ?