On ne trouve pas de traces dans les livres, ni ailleurs, du nom de Govan-Eremetus, ni du pays d’Archaos où il régna, entre la fin des Temps Barbares et le commencement des Temps Barbares.

Pourtant quelque chose manque là, à la fois dans le temps et dans l’espace. A ce tournant mal éclairé de l’Histoire, il y a comme un trou. Des évènements postérieurs restent inexpliqués. Les coordonnées ne se rejoignent pas : à partir d’un certain point, on les perd. Où vont-elles ?

Il est irritant pour l’historien de se heurter à de telles zones d’ombre, qui font penser à des interférences dans le cours de l’Histoire : chose impossible, à première vue. Mais pas à Seconde Vue : car l’examen des entrailles et des poubelles de l’Histoire, conjugué avec l’enquête du type " à qui profite le crime" et un certain état de fureur révèlent qu’il s’agit d’effacements délibérés avec falsifications rétroactives, effectuées sur l’ordre des diverses bandes de brigands qui se succèdent au pouvoir. C’est plus fréquent qu’on croit, en vérité ça n’a jamais cessé depuis le début des temps dits, pour cela justement historiques, et ça continue en ce moment même.

Nous avons longuement spéculé au bord de notre trou. C’était au petit matin, dans des fumées diverses,que nous est venue l’idée - scientifiquement absurde - de joindre tous les points de disparition des coordonnées. Et, ô merveille, nous obtenions ainsi une image par manque, une sorte de négatif !

Inutile de dire que ça ne s’est pas fait en un jour. Ce n’est pas si simple qu’un dinosaure, et nous n’avions même pas l’os : nous avions uniquement tout ce qui n’était pas le dinosaure lorsqu’il y était.

Mais nous étions soutenus par l’enthousiasme, croissant à la vue de ce qui se révélait dans notre bain : nous avions découvert Archaos !

Ce jour-là nous avons pris une fameuse beurrée, ainsi que les suivants. Et patiemment, nuit après nuit, nous avons reconstitué ce monde qu’on a voulu, pour des raisons que trop claires, effacer de l’Histoire.